Effondrement

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  • Introduction

Dans le Guardian (ici, en anglais), Nafeez Ahmed résume une étude du Centre National de Synthèse Environnementale épaulée par la Nasa (ici, en anglais). Cette étude utilise le modèle HANDY (acronyme anglais pour DYnamique Humaine Et Naturelle).

Selon ses conclusions, l'inégalité de richesses et de ressources a toujours conduit à l'effondrement des empires, aussi sophistiqués, aussi avancés technologiquement soient-ils.

  • Notre analyse

De notre point de vue, la concentration de richesse est nécessairement liée à toute forme de propriété lucrative, elle transforme l'activité économique en une forme plus ou moins civilisée d'esclavage: les travailleurs n'ont plus prise sur la production. Ils ne décident plus de ce qui est produit, comment c'est produit, par qui et à quelle conditions. Par ailleurs, ces travailleurs ont été privés de toutes ressources autonomes, ils ont été victimes d'accaparement de leur terre, de leurs outils productifs (ce que nous appelons l'enclosure).

C'est la pratique capitaliste de la valeur, le fait que nous soyons obligés de vendre notre force de travail à des employeurs sous la contrainte de la nécessité, le fait que le créancier empoche des intérêts, que le propriétaire lucratif de l'entreprise soit rémunéré qui entraînent la concentration de richesse. C'est au mode de production capitaliste qu'il faut s'attaquer pour contrer la tendance à la concentration de richesse. Toute démarche "redistributive" ex post manquera l'enjeu de cette affaire: la libération de l'activité humaine, du travail du joug de l'emploi, de l'activité lucrative. 

  • Résumé et traduction

Pour citer (nous traduisons) ladite étude:

La chute de l'Empire Romain et des empires tout aussi avancés - si ce n'est plus - des Han, des Maurya ou des Gupta, ainsi que l'empire Mésopotamien, atteste le fait que les civilisations complexes et créatives peuvent être fragiles et disparaître.
Le projet identifie les facteurs les plus importants corrélés au déclin de civilisation: la population, le climat, l'eau, l'agriculture et l'énergie (voir notre article sur le pic pétrolier).

Ces facteurs peuvent amener à l'effondrement quand ils se combinent à deux traits sociaux:

La tension sur les ressources liée à la pression sur la capacité écologique [et] la polarisation économique de la société en élite d'un côté et masse de l'autre. [Ce phénomène social] a joué un rôle central dans le processus d'effondrement ces derniers cinq mille ans.
Aujourd'hui, l'extrême polarisation sociale est liée au pillage des ressources:


... les surplus accumulés ne sont redistribués dans la société mais sont contrôlés par une élite. La masse de la population qui produit la richesse n'en reçoit qu'une petite partie (...) juste au-dessus du seuil de subsistance.
Mais, selon l'étude, la technologie ne résoudra pas ces problèmes en augmentant l'efficacité de la production.

Les changements technologiques peuvent augmenter l'efficacité de l'utilisation des ressources mais elle augmente aussi la consommation de ressources par personne de telle sorte que, outre les effets politiques, l'augmentation de la consommation compense souvent l'amélioration de l'efficacité de l'utilisation des ressources.
Si l'on suit ces modélisations de civilisations effondrées, l'effondrement de notre propre civilisation semble difficile à éviter. Les civilisations paraissent
... être durables pendant longtemps mais, même avec un taux d'épuisement optimum et en partant d'un nombre très restreint d'élites, les élites finissent par consommer trop, ce qui provoque une famine dans les masses, cause de l'effondrement de la société. Il faut noter que ce type d'effondrement de Type-L est provoqué par une inégalité qui induit une famine qui fait disparaître les travailleurs plutôt que par un effondrement naturel.

Un autre scénario met l'accent sur le rôle de l'exploitation continue des ressources et fait émerger le fait que avec une accélération de l'épuisement des ressources, le déclin des masses se produit plus rapidement alors que les élites prospèrent encore mais elles les suivent dans leur disparition.

Dans les deux scénarios, les élites ne subissent les dégâts de l'effondrement écologique qu'après les masses. Elles continuent le business as usual malgré la catastrophe pendante - ce fut notamment le cas chez les Romains et les Mayas.

Ces scénarios catastrophe ne sont pas inévitables. Des changements politiques structurels peuvent stabiliser la civilisation. Pour les auteurs de l'étude, il faut réduire les inégalités économique pour garantir une distribution plus juste des ressources et il faut réduire massivement la consommation en s'appuyant sur des ressources renouvelables et en contrôlant la croissance de la population.

Le salaire déconnecté de l'emploi, la qualification, la pratique salariale de la valeur que nous défendons ici contre le chantage de l'emploi et du crédit sont des solutions qui s'inscrivent pleinement dans les recommandations de l'étude.