L'Abolition des privilèges


La révolution française dont nous commémorons l'anniversaire a aboli les privilèges de la noblesse (c'était le quatre août 1789). Sous la pression du peuple en colère, elle a institué l'égalité en droit de toutes et de tous.

Il ne reste rien de l'égalité, de la démocratie quand on passe les portes de l'entreprise. Les privilèges demeurent, ils sont l'apanage des actionnaires, des propriétaires de l'entreprise, des employeurs.

Aujourd'hui, les officines de harcèlement des chômeurs les "relookent" pour les rendre employables, comme des objets sexuels qu'il s'agit de faire valoir,

aujourd'hui, le droit à la démocratie, au libre-arbitre ou à la libre-pensée demeure en dehors du monde de l'emploi,

aujourd'hui, ceux qui ont achètent et contrôlent le temps des autres qui n'ont rien et sont contraints de se plier au diktat des premiers.

225 ans après l'abolition des privilèges, tout est à refaire - et en premier lieu à cesser d'écouter les sirènes des "amis" prêts à nous vendre la soumission en kit au nom d'un improbable réalisme. La révolution française est encore à faire, les privilèges sont encore à abolir.

Les festivités sinistres autour du folklore de la commémoration de l'irruption du peuple dans l'Histoire ne sont que des cache-misère à cette réalité: toutes les injustices de l'ancien régime ont été reconstituées, du droit de cuissage à la gabelle, du droit de chasse aux droits de passage, du droit de naissance à la misère des travailleurs. Ces injustices sont le chiffre, le signe d'une économie soumise à l'argent mort, d'une économie de soumission de la vie à l'emploi, à l'utilisation mercantile de l'humain, de la volonté, de la passion et le puissance de nous et nos pairs.

Quel roi faudra-t-il détrôner, quel droit divin faudra-t-il démonter pour que, enfin, la liberté du travail soit libérée du joug de la propriété lucrative, quand les marchands de temps gris en auront-ils fini avec nos nuages, avec nos rêves, avec nos mains, nos cœurs, notre travail social, notre qualification? Quand les propriétaires lucratifs cesseront-ils de nous piller, de ronger notre temps, d'utiliser nos qualifications et notre énergie pour faire de l'argent? Quand abolirons-nous ce privilège exorbitant, le privilège de pouvoir se servir d'un être humain acculé par la misère pour faire de l'argent, quand mettrons-nous l'aiguillon de la nécessité hors la loi, quand mettrons-nous la propriété lucrative hors la loi?

Quand deviendrons-nous des citoyens libres de nos actes, de notre travail, de notre créativité, de notre rapport au temps, de nos rêves, de nos usines et de nos bureaux? quand cesserons-nous de nous incliner devant la noblesse de l'actionnariat, de l'employeur, quand pourrons-nous parler entre égaux au travail, quand pourrons-nous dire ce qu'on pense, décider ce qu'on fait et comment, quand serons-nous des êtres de droits, quand est-ce que la République passera les portes de l'usine ou du bureau? 


Bonne fête à tous, donc et ne vous faites pas distraire par les cérémonies ronflantes: la République doit encore être construite, la citoyenneté doit s'étendre à l'économique, la liberté du producteur doit être proclamée, l'égalité des êtres humains - propriétaires ou producteurs - doit être fondée et la fraternité doit s'incarner pour les chômeurs, pour les retraités, pour travailleurs avec ou sans emploi et passer les portes de l'usine et du bureau.